cycle «CHANGEMENT» 2023 - 2025
Les éditions 2023, 2024 et 2025 du Gstaad Menuhin Festival sont toutes placées sous le signe du «changement». Elles s'accompagneront de projets innovants tout droit sortis du laboratoire de Patricia Kopatchinskaja. Sous la bannière du cycle de concerts «Music for the Planet» sont présentés des programmes sous-tendus par des messages forts et marquants sur l'état de la nature, de l'humanité et de la société. Les genres et les styles y sont finement conjugués afin d'interpeler sur la situation du monde et offrir au final une expérience artistique à mille lieues du format standard des concerts classiques.
Au même titre que pour tout événement ou entreprise, les questions de durabilité et de changement climatique occupent une place essentielle dans les réflexions du Gstaad Menuhin Festival & Academy. Elles feront dorénavant partie des priorités dans son agenda. Afin d'être en mesure d'atteindre les objectifs climatiques souhaités, ces enjeux doivent être portés activement par une organisation festivalière moderne et adaptée. Le cycle de trois ans consacré au «changement» sera intégralement pensé et mis en place dans cette dynamique de durabilité. Avec en fin de compte l'espoir de créer une fois de plus quelque chose d'unique à Gstaad dont les hôtes, les pouvoirs publics, comme les partenaires et les sponsors puissent légitimement se réjouir.
Retour sur 2023: Changement I – «Humilité»
Humilité & nature
Humilité et modèles (avec Bach comme «modèle des modèles»)
Humilité & foi
En se plaçant sous le signe de l'«humilité», l'édition 2023 avait pour ambition de nous faire réfléchir sur notre rapport à la nature, ainsi que sur les forces qui nous dépassent. Nous avons senti grandir ce sentiment sous le feu des bouleversements de ces dernières années, et nous souhaitions en témoigner au cours de l'été 2023 à travers un grand éventail de programmes. Révélées par les crises mondiales provoquées par la pandémie et la guerre, des valeurs comme l'humilité, la modestie, le respect, l'authenticité prennent soudain une signification nouvelle. Dans la religion, de même que dans les croyances personnelles et notre rapport à la spiritualité, l'humilité est un état d'esprit qui voit l'homme s'en remettre à la volonté divine face à la conscience de sa propre imperfection. Cette attitude est particulièrement prégnante dans la musique de Jean-Sébastien Bach. À l'issue de l'ouverture du Festival 2023 a eu lieu en outre le lancement du projet «Mission Menuhin», qui vise à documenter et à publier les mesures prises pas à pas tout au long de l'année dans le but de faire du Festival une organisation écoresponsable et durable.
2024: Changement II – «Transformation»
Trans-cendance
Trans-Mission
Trans-Classics
Transformation! Le développement à long terme d'une société est indissociable d'évolutions efficacement conduites, à l'image de la transformation digitale qui, à elle seule, induit de profonds bouleversements. Les valeurs sociétales connaissent une mutation fulgurante et tout ce qui évolue doit être transformé. S'accrocher au passé est synonyme de stagnation. L'innovation est requise à tous les niveaux. La scène culturelle connaît bien cette dynamique, elle qui de tout temps n'a eu de cesse de se confronter à l'inconnu et d'entretenir un processus de changement perpétuel, source d'éclairage toujours renouvelé sur notre monde. Tous les processus de transformation résultent à l'origine d'une forme de courage: celui qui porte à façonner l'inédit et à oser se mettre en danger. Cela peut nécessiter non seulement de la conséquence, mais également une forme de radicalité dans l'expression artistique. Et pour conserver toute la pertinence nécessaire, le développement de nouvelles formes de concert et d'expression est indispensable – des formes capables de toucher le plus large public possible et de nous permettre ainsi de continuer à remplir notre «contrat culturel».
Valoriser les forces libérées par les transformations, transformer les énergies disponibles en une nouvelle source d'expression: telles sont les ambitions de la 68e édition du Gstaad Menuhin Festival & Academy. Concrètement, cela se traduit dans notre programme par trois champs thématiques: «Trans-cendance», «Trans-Mission» et «Trans-Classics». Le premier explore la musique dans sa dimension métaphysique, le dialogue qu'elle conduit entre la Terre et le Ciel, les portes qu'elle ouvre sur la conscience mais également l'univers immatériel des rêves. Dans ses Métamorphoses, Richard Strauss s'affranchit de tous les marqueurs extérieurs pour donner vie à une musique transcendantale, d'une irrésistible liberté. Il est également question de transcendance dans le poème Verklärte Nacht [Nuit transfigurée] qu'Arnold Schönberg transforme en sextuor à cordes: celle d'un amour capable de dépasser – de transcender – la tragédie d'un instant. Chez Mahler, la transcendance de la misère se situe à la base même de l'idée de sa Première Symphonie. À l'opposé, Gustav Holst dessine dans ses Planètes un développement humain qui se déploie sur l'ensemble d'une vie et décline toute la palette de la nature humaine au travers d'une musique des sphères transcendantale.
Sous la bannière «Trans-Mission», il est question du legs de valeurs, d'un savoir, d'une culture, de traditions à travers les générations et des époques. Ce que nous vivions et valorisions depuis tant d'années au sein de nos académies, portés par l'esprit du fondateur du Festival Yehudi Menuhin, prend aujourd'hui corps jusque dans notre programme: dans ces Quatuors que Mozart dédie à son idole Haydn, dans cette Septième Symphonie de Bruckner toute imprégnée de l'harmonie et du geste musical de Wagner. Avec «Trans-Classics», enfin, nous agissons sur la forme même du concert et de l'expression musicale, en proposant des expériences «live» anti-routine s'affranchissant de tous les codes existants, faisant se rencontrer de façon totalement inédite genres, styles et époques.
Les processus transformatifs doivent s'accompagner d'une définition conséquente des barrières qu'ils enjambent. Se pose la question de savoir ce que ce changement, cette transformation représentent pour soi-même et pour nous tous. L'édition 2024 du Festival offre de nombreuses pistes de réponses.
La transformation en musique au gré de l'édition 2024
Forces transcendantales à l'œuvre dans la musique de Franz Schubert (Symphonie «inachevée», Messe n°5 en la bémol majeur), Richard Strauss («Métamorphoses»), Arnold Schönberg («Verklärte Nacht»), Johannes Brahms (Quintette avec clarinette) et Serge Rachmaninov (Suite pour 2 pianos)
Transcendance symphonique: «Les Planètes» de Gustav Holst, Symphonie n° 1 de Gustav Mahler «dal inforno al'paradiso», Symphonie n° 7 d'Anton Bruckner
La transcendance dans le 2e acte de l'opéra «Tristan und Isolde» de Richard Wagner
Processus de «trans-misssion» chez Haydn et Mozart, Robert et Clara Schumann, Lisa Cristiani et Sol Gabetta, Beethoven et Tristan Murail, Emilie Mayer, ou encore Menuhin et les élèves de son Académie
Processus transformatif dans les programmes, les formes de concerts et de prestation chez Nemanja Radulović avec «Double Sens», Anastasia Kobekina avec «Venezia and Beyond», Miloš Karadaglić avec «Baroque'n'Roll», Hiromi et ses improvisations jazz au piano, Richard Galliano et son New York Tango Trio, Andrej Hermlin avec «Best of Swing», Lea Desandre avec «The Times They Are A-Changin'», ou encore le Vision String Quartet
Music for the Planet – Cycle II
Projets 2024: changement climatique, bouleversements et transformation
1) «Venezia and Beyond»
Ma 23 juillet 2024, 19h30, Eglise de Saanen – Concert d'orchestre Music for the Planet I
Anastasia Kobekina, violoncelleKammerorchester BaselJulia Schröder, violon et direction
Venise, ville de tous les désirs et de tous les rêves, berceau jadis de l'une des plus illustres traditions musicales, incarne en même temps la mort en tant que lieu d'abandon au destin et à ses forces incontrôlables. Sur le fil de son archet, au gré de notes à la fois anciennes et actuelles, la violoncelliste Anastasia Kobekina médite sur cette dualité: la carte postale d'un côté, l'éphémère de l'autre, symbolisée par cette cité au cœur d'une lagune menacée d'engloutissement par la montée du niveau des mers.
2) «Temps et éternité»
Sa 10 août 2024, 19h30, Eglise de Saanen – Concert d'orchestre Music for the Planet II
Patricia Kopatchinskaja, violon & direction
Camerata Bern, Peter Fleischlin, percussionBeata Würsten, Sarah Würsten, Monika Würsten, chant, Wieslaw Pipczynski, accordéon, Henri Mugier, cantor, communauté juive de Berne, Vicaire Wojciech Maruszewski, prêtre, Eglise catholique romaine du canton de Berne, Ioan Ciurin, prêtre, Eglise orthodoxe russe de Berne
À travers ce programme baptisé «Temps et éternité», Patricia Kopatchinskaja nous parle de ces instants où tout bascule, des catastrophes guerrières et de leurs conséquences, mais également d'espoir. Karl Amadeus Hartmann compose son Concerto funèbre en 1939 sous le coup de la révolte et du désespoir face aux atrocités de l'Etat nazi, qui menace d'anéantissement la civilisation européenne. Il peut être entendu comme une Passion exprimant ce qui a été et ce qui sera fait aux hommes, à toutes les créatures, à la création elle-même et, à travers elle, au créateur (à Dieu?). Dans son Polyptyque (un concerto pour violon composé en 1973 pour Yehudi Menuhin), Frank Martin a mis en sons la Passion du Christ d'après des images peintes par Duccio di Buoninsegna (ca. 1255-1319) sur «La Maestà», le célèbre retable du maître-autel de la cathédrale de Sienne: avec ce choix, il a opté pour le visage d'un Dieu compatissant envers la misère des mortels. D'après la croyance chrétienne, sa souffrance est synonyme de rédemption: une raison d'espérer en des temps bouleversés – d'y croire encore malgré le changements climatique?
2025: Changement III – «Migration»
Migration & musique: musicien·nes en voyage ou musique de l'exil, musique de migrant·es, exportation de la musique à travers la migration, origines et fuite.
Etat Mars 2024