59^e Gstaad Menuhin Festival 2015

Rossini souffrait de graves dépressions; Haydn, au service de son prince à Eisenstadt durant trente ans, coupé de la vie des métropoles de Vienne, Paris et Londres, souffrait de solitude et d'isolement; la mélancolie de Schubert était imprégnée de sentiments de doute et d'infériorité qui l'épuisaient; Mozart brûlait son énergie et ses forces vitales dans son travail frénétique et dans un mode de vie débridé; Beethoven fut victime très tôt d'importants troubles auditifs, d'affections oculaires et de coliques gastriques récurrentes; Schumann, qui avait souffert sa vie durant de graves dépressions, mourut dans un état de confusion mentale; Mahler se débattait avec d'intenses problèmes psychiques: mort et désespoir, séparation et douleur le mettaient à l'épreuve à chaque étape de sa vie; Richard Strauss, égocentrique pour certains, fut affligé à la fois par les terribles guerres de son époque et par la transition entre le romantisme tardif et la période moderne; Chostakovitch fut victime de la répression dictatoriale – il redoutait constamment la censure et même la menace de disparaître dans l'un des camps de travail tant redoutés du dictateur Staline; Prokofiev, mort le même jour que Staline (1953), son bourreau idéologique, souffrit toute sa vie, comme Chostakovitch, des rigueurs de son temps. 
Et pourtant, tous ces compositeurs ont un dénominateur musical commun: celui d'un sens marqué de l'ironie exprimée dans la musique et qui fait sourire l'auditoire. L'ironie dans la musique contraste cependant avec le véritable message d'un compositeur, que les notes ironiques renforcent, soulignent, accentuent. L'ironie est, précisément, un moyen d'expression. «Ironie comme expression» est le titre de notre série de musique de chambre de l'été à venir. À nous, auditrices et auditeurs, de savoir si nous souhaitons nous laisser entraîner par les impressions subjectives de notre écoute et voyager avec les compositeurs vers le coeur du sujet et vers l'essence de l'inspiration. 
Humour et ironie sont ancrés dans la musique classique alors que, malheureusement, l'impression générale qui caractérise souvent l'univers du classique est sérieuse et rigide. À l'occasion de son édition 2015, le Gstaad Menuhin Festival & Academy souhaite contribuer à mettre en lumière les facettes à la fois divertissantes mais également ironiques et intelligentes de ce répertoire. Avec vous, nous nous réjouissons de cet été parsemé de tonalités musicales ironiques et humoristiques ainsi que de nombreux regards perspicaces sur les véritables profondeurs de l'âme humaine. 
Avec mes salutations joyeuses... mais non moins sincères! 

Bien à vous, 
Christoph Müller, Intendant